Travail de groupe : toboggan pour débutant
On y est, on attaque la descente ! L'adrénaline va vous muter en super abeille aux yeux à 3 500 facettes ! Vous allez être sur tous les fronts en même temps : respect des règles, respect de la consigne, observation des attitudes, soutien des plus timides, un œil sur le chrono, un œil sur votre fiche d’observation, un œil sur les "superturbateurs"… le tout avec une cool-attitude à toute épreuve. Impossible de s’arrêter dans un toboggan de cette taille. Des minutes de glissade avec des virages de tous les côtés en ayant l’air d’avoir fait ça toute sa vie.
Tout schuss, les amis, votre palpitant va tenir. Voici 10 conseils pour se lancer.
Vous avez envie de vous lancer, c’est bien naturel, mais attention, c’est glissant. Très glissant ! Le travail collaboratif c’est un super levier, c’est l’idéal que nous voyons tous dans la fameuse phrase de B.Franklin : « Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends. ».
Avec le « projet », le « travail de groupe » est l’image d’une classe qui apprend des vraies choses et donc d’un.e
instit’ qui déchire sa race.
C’est peut-être le cas, mais je crois sincèrement que c’est un poil plus compliqué : c’est d’ailleurs pour ça, à mon sens, que c’est un métier que l’on confie à des universitaires. Cela dit, les universitaires brillants que vous êtes ont assez peu travaillé en collaboration avec leurs pairs hormis au lycée, en fac et un peu plus à l’ESPE, j'imagine. Vous estimez que les membres d’un groupe s’écoutent en général même si parfois certains travaillent moins que d’autres. Oui, mais là vous étiez des adultes ou presque. A quelques rares exceptions près (ceux qui ont eu des instit’ qui déchiraient leur race), peu d’entre-vous ont vécu quotidiennement la collaboration avant cet âge. Ne parlons pas de moi qui ai si peu expérimenté le truc avant de commencer ma carrière que les règles internes m’échappaient complètement (question claire de génération). Nous sommes tous de bons élèves qui avons relativement bien écouté en classe et cela nous a permis de performer dans nos études (On a bac+5 les gars ! Et on n’en est pas peu fier ! C’est normal.) Donc, l’individualisme est, pour nous, le levier majeur de notre réussite.
Au regard de ce que je vois dans les différents conseils de cycles et animations de circo, malgré la ténacité des directeurs et des conseillers pédagogiques, les enseignant.e.s, dans leur grande majorité, galèrent à travailler efficacement en collaboration ; c’est plus un défi, une contrainte, un devoir à accomplir, voire une souffrance. Dès que l’animateur nous lance une consigne de travail de groupe, ça souffle, ça soupire dans tous les coins, ça discute à qui mieux mieux…. une grosse tempête de bougonnerie, y compris de ma part je l'avoue. « Dis, on se met ensemble, hein ? », « T’as des idées, toi ? », « Oh non, je veux pas bosser avec elle, elle va encore se tirer la couverture... », et j’en passe de bien meilleures. Nous y sommes si peu habitués que nous n’en voyons pas l’intérêt car le delta /investissement émotionnel/ vs /gain intellectuel/ est trop important : ce n'est pas rentable.
Par contre, quand on se voit en action, dans le costume de l’instit’ trop classe qui déchire toujours sa race, là, pouf, travail de groupe ! Mais pourquoi donc ? Bon sang, mais c’est bien sûr, B.Franklin c’te blague ! A sa suite on a du Meirieu, du Freinet, du Barlow, du Connac… quand je vous dis que vous êtes des universitaires brillants ! Même dans les entreprises privées, ils ont le brainstorming en boucle pour faire avancer plus vite leurs équipes. Si, si, on aurait beaucoup à apprendre du management des encravatés de la finance. Même si tout de suite vous avez envie de vomir à cette idée, vous verrez que manager une équipe ou gérer une classe, c’est à peu près la même chose. (Ce lien qui semble si farfelu découle de nos grosses discussions avec mon cher et tendre prince charmant qui est un couteau suisse pour la gestion de son agence dans le domaine de la maintenance conditionnelle. En général, je préfère dire qu’il est « Ingénieur en vibrations » parce que, je ne sais pas pourquoi, derrière on m’adresse des félicitations avec un sourire entendu… ). 😇
Trêve de digressions amoureuses et revenons à notre toboggan. « Chic, elle va enfin nous donner des conseils ! ». Ouaip, c’est parti mon kiki ! Accroche-toi bien ! Tu vas te faire la plus grande descente de ta vie en négociant le truc sans encombre !
Premier conseil : INTERDIT d’en faire le premier mois de classe de ta vie,
voire même le premier trimestre.
Oui je vous entends : « Ouhouh, nul, rentre chez toi, c’est pas un conseil ça ! » En fait si, vous aurez tout un tas de trucs à mettre en place avant et c’est le temps qu’il faut au minimum pour jauger sa classe quand on débute. Parce que, sinon, ce qui risque d’arriver, c’est ça. (si le pop-up ne s'ouvre pas cliquez ici)
On apprend à gérer sa classe, à scruter ses élèves, à mettre en place les règles et à déterminer leurs acquis. Quand vous aurez de la bouteille, vous pourrez vous servir d’un travail de groupe dès la première semaine, justement comme l’un des outils de cartographie de vos élèves. Mais là, on fait tout doux !
2ème conseil : on fait du court, du concis, du rapide.
5 minutes maximum, dans un premier temps, extensible jusqu’à 10 minutes avec une pause entre les deux sessions. Vous pouvez installer un minuteur au tableau si vous avez un TBI ou un vidéo-proj’, sinon votre téléphone fera l’affaire. Le fait que les enfants voient le temps s’égrainer les rassure et ils se concentrent mieux sur la tâche à accomplir. Si vous n’avez que votre téléphone, optez pour un « redémarrage » à chaque minute. Choisissez un signal doux, non stressant. A l’arrivée de l’échéance des 5 minutes, le bruit pourrait augmenter quelque peu dans la classe. Il vous faudra préciser, au préalable, qu’il s’agit d’une première étape et que vous redonnerez entre 2 et 5 minutes pour terminer si c’est nécessaire. Ne soyez pas trop verrouillé.e sur le temps non plus, restez zen, détendu.e mais concentré.e., à l’affût. Vous allez être obligé.e de devenir la reine des abeilles avec ses yeux à 3500 facettes.
Continuons à parler du chrono avant même de parler concrètement de la ruche. Durant la première étape, au bout de 2 minutes environ, vous faites une pause du chronomètre pour faire ré-expliciter la consigne. Vous en aurez prévenu les élèves au préalable (cf 4ème conseil). Cette pause est AB-SO-LU-MENT nécessaire, ce n’est pas un gadget. En effet, les élèves vont se jeter dans l’activité et avoir des échanges surtout « sociaux » et « organisationnels » dans ce premier temps (qui lit, qui prend la feuille, qui écrit, quel stylo on prend, « T’as compris ce qu’il faut faire, toi ? », « Je vois rien ! », « Faut écrire où ?…). Ils auront besoin de cette pause pour se recentrer. Plutôt que de répéter, à chaque groupe, la consigne de travail et les règles, faites ce temps-mort, vous perdrez moins de temps et d’énergie finalement. Vous y gagnerez en sérénité.
Évidemment, si vous voyez que tous sont au travail, avancent et ont parfaitement compris la consigne, sautez cette étape. Si vous constatez que tous ont terminé avant la fin, on arrête le chrono sinon les groupes inoccupés peuvent partir en sucette. La gestion du décalage horaire est un problème auquel il faut se préparer en amont aussi, j’en reparlerai dans un instant.
3ème conseil : on se fait une préparation écrite.
Vous pensez ce que vous voulez des prèp’ format « paperasse », mais écrire préalablement sa consigne, son objectif, son déroulement, son matériel est un bon moyen d’en réfléchir les détails (même si c'est sur un bout de nappe de bistrot). Toujours pareil, quand vous aurez de la bouteille, ça se dansera autrement, vous aurez des réflexes de mise en situation ; un travail de groupe au pied levé quand vous en sentirez la nécessité, ça l’fera. Pour le moment, il vaut mieux l’écrire pour y réfléchir soigneusement.
La consigne doit être courte, claire, très précise. Votre objectif notionnel doit être humble, modeste, simple pour le premier travail de groupe de l’année. Il doit pouvoir être atteint pour tous. Je ne dis pas de leur simplifier la tâche en leur faisant faire un travail de bébé qui n’apportera aucune plus-value, mais bien de chercher un objectif notionnel atteignable après une recherche simple à effectuer. Hors de question de faire une recherche documentaire en Histoire avec pour finalité une production d’écrit de travail : c’est beaucoup trop ambitieux pour le moment.
Tiens, prenons cet exemple : un texte d’Histoire à décrypter (l’image vous paraît plus simple ? Généralement, c’est faux, donc prudence.) Ils ont chacun le texte sous les yeux (ou 1 pour deux), VOUS le lisez doucement à la classe (réduction de la difficulté de lecture-fluence), VOUS demandez s’il y a des mots difficiles et vous les faites expliquer par ceux qui savent ou bien VOUS les expliquez (réduction de la difficulté de vocabulaire), VOUS relisez le texte un peu plus vite. Vous présentez, au tableau de préférence, le document de travail sous forme de questionnaire simple en lisant les questions. Ce document comporte, par exemple, 2 questions sur l’explicite du texte et 1 question de recherche qui commencent par « Pourquoi... ? », « A votre avis… ? » ou équivalent. La plus-value est ici, bien entendu. Ne demandez quand même pas « A votre avis, quelles sont les causes de la Révolution Française ? » D’abord parce que c’est évidemment beaucoup trop compliqué et ensuite parce que si c’est pile le sujet du texte, vraisemblablement les réponses seront de type explicite et donc ça ne fera que peu avancer le schmilblick. Donc, là, vous voyez qu’il faut vous la faire votre prèp’. La consigne de base ici serait : « A partir du texte, écrivez une réponse pour chacune des trois questions. » Encore plus rapide pour les 2 premières : optez pour deux phrases à compléter. La question de recherche, elle, dépend évidemment de l’objectif de la séance (Simple l’objectif, hein ! Je me répète ? C’est une déformation professionnelle.)
Si toutefois, certains groupes pensent avoir terminé avant, foncez les voir et, tout en félicitant, ajoutez-leur un défi supplémentaire pour creuser la question. Vous êtes des universitaires, donc creuser c’est votre truc. Si le groupe a fait fausse-route, on ré-oriente. Le pied-levé c’est un art que l’on apprend en le pratiquant, c’est sûr. Mais pour s’y préparer, il faut aussi avoir envisagé les erreurs possibles et en tout cas leur éventualité. La prèp’ est encore une fois nécessaire. (Dans la partie « paperasses », je vous donnerai des outils pratiques).
4ème conseil : on détermine les groupes soi-même
pour les premières expérimentations.
Choisissez de préférence des groupes de 4, c’est souvent l’idéal (2 c’est trop peu de discussions et d’idées, 3 on peut en perdre un, 4 c’est rassurant pour tout le monde.) Sur une classe de 30 ça vous fait 5 groupes de 4 et 2 groupes de 5. Oui, je sais – je connais mes tables – on pourrait faire 6 groupes de 5 ou 5 groupes de 6, ça tombe pile. Tout à fait, on peut aller jusqu’à 6 par groupe, cependant c’est le grand maximum : je vous le déconseille pour le moment. Vous pensez que gérer moins de groupes c’est plus facile ? Faux ! Plus ils sont nombreux dans les groupes, plus vous multiplierez vos interventions sur la discipline. Le volume sonore sera plus élevé. Les conflits seront légions, les élèves qui s’effacent aussi. 4 c’est plus prudent – vous noterez que je n'ai pas dit « facile »...
La structure, pour vos débuts, est hétérogène quant aux niveaux, aux comportements, aux sexes. Après on s’accommode de toutes les situations en fonction des objectifs. Même les groupes par affinités de nos « superperturbateurs » peuvent fonctionner. Pour l’heure, je préconise même de déterminer les groupes sur le trimestre pour plus d’efficacité à venir, quitte à faire quelques changements ponctuels en cours de route.
Vous choisissez vous-même l’emplacement de travail de chaque groupe, qui peut être, lui aussi, récurrent. Si votre classe est en disposition classique (cf article), faites tourner uniquement les chaises de devant vers la table de derrière. Des enfants qui ont une place délimitée, ce sont des enfants rassurés, même si par la suite ils se lèvent pour mieux voir les documents. Vous pouvez aussi en placer certains au sol : ils y arrivent très bien en général. Attention aux perturbateurs qui doivent être soit placés loin les uns des autres, soit tous regroupés, ça vous facilitera la vie quand il vous faudra zieuter vos loulous dans les deux cas.
Et là, c’est le drame… un enfant refuse de travailler en groupe. Pas de panique, pas de hurlement, ça arrive. La première fois, vous lui dites de tenter l’expérience et vous l’observez lui plus que les autres. S’il s’intègre facilement, à la fin de la séance vous le lui faites remarquer pour les prochaines fois. Il a du mal à trouver sa place, vous avez 3 options pour les fois suivantes :
- n°1 : vous retentez la première approche + bilan individuel en fin de séance ("bifise")
- n°2 : vous réfléchissez à un changement de groupe + "bifise" (attention donc à bien réfléchir vos alliances pour ne pas avoir à faire trop de changements ou alors optez pour des changements à chaque fois et pour tous).
- n°3 : vous acceptez qu’il travaille seul (Attention, s’il accepte, il s’y engage pour la totalité du travail du jour, il doit tout faire) + "bifise" (il a échoué, pas fini : faites-lui remarquer qu’il aurait pu profiter du groupe. Il a été super-performant : c’est un atout dont il devrait faire profiter ses camarades.) Méfiez-vous cependant de cette option car certains autres (c’est plutôt des garçons pour la réaction qui suit) voudront se mesurer au reste de la classe et seront persuadés qu’ils pourront faire mieux seul (donc attention de faire le 'bifise" du premier en aparté : des félicitations, oui, mais pas d’ostentation dans cette occurrence).
5ème conseil: on édicte les règles de comportement avant de commencer.
Renoncez à donner un rôle précis à chaque enfant : laissez-les se débrouiller. Si un problème survient, fondez sur le groupe comme l’éclair et indiquez pour l’occasion un secrétaire (c’est souvent ce rôle qui pose problème) en indiquant que la prochaine fois le rôle changera de main. Précisez toujours que les documents à leur disposition appartiennent à tous, tous doivent pouvoir les voir et les toucher (c’est aussi pour cela que 4 c’est suffisant).
Chacun a une place, mais on a le droit de se lever pour mieux voir. On doit toujours se respecter et toujours être poli. On n’y arrive pas, on est averti 1 fois. On n’y arrive toujours pas, on est averti une 2ème fois. Décidément c’est trop difficile : on sort du groupe pour un instant de réflexion (une relecture des règles du travail de groupe, une écriture de celles-ci, ou mieux, quand on n’a pas encore édité ces règles, comme au hockey sur glace, on est mis sur le banc de touche pour une pénalité de 2 minutes.) Un "bifise" devra être fait ensuite pour réexpliquer la cause de la pénalité.
On doit faire le moins de bruit possible (astuce à dire : « Chuchotez, ne donnez pas votre réponse aux groupes d’à côté pour le moment comme ça nous aurons plein de [bonnes] réponses différentes. C’est ça qui est chouette dans le travail de groupe. » Et oui, elle est là, la plus-value : la réponse attendue est plurielle, c’est pour ça qu’on s’y met à plusieurs. (Bon c’est toujours le cas en vérité.)
Cliquez ici pour voir des exemples
Les petites phrases à dire :
- « Vous allez travailler pendant 5 minutes dès que j’aurai lancé le chronomètre »
- Dites la consigne de base et affichez-là au tableau.
-« On fera un petite pause du chronomètre pour bien redire la consigne dans deux minutes environ » – cf 2ème conseil. Vous pouvez instituer une phrase magique pour ce type de moment « [Jingle] Attention consigne ! Bras en l’air, bouches fermées, fesses sur les chaises ! Un, deux, trois ! ». Ce sont des enfants après-tout, les grandes annonces de cirque, ils adorent. « Croisez les bras ! » (et oui sinon certains ils laissent les bras en l’air).
- « Vous aurez un peu de temps supplémentaire si vraiment vous n’avez pas terminé. Si vous finissez tous avant, on arrêtera le chronomètre, mais levez la main pour que je vérifie. »
- « Travaillez bien et soyez respectueux. Attention aux avertissements et aux pénalités ! »
- Au moment de lancer le chrono, entonnez une petite formule d’entrée en action : « A vos groupes ! Prêts ! Cherchez ! » (J’ai une petite déclinaison sympa de ce type de démarrage pour la lecture-fluence, et autres exercices ou jeux en temps limité et réduit (« A vos pages ! Prêts ? Lisez ! », « A vos tables ! Prêts ? Récitez ! », « A vos stylos !... ». Chacun trouvera ses propres trucs, mais vous pouvez piquer les miens, je ne demanderai aucun droit d’auteure.) Ils adhèrent à fond, ils sont rassurés de commencer tous ensemble. Ces petits gimmicks mettent en route leur implication.
6ème conseil : On y est, on attaque la descente !
Vous devez être concentré sur l’objectif : la réussite de l’expérience et de l’exercice. Vous allez être sur tous les fronts en même temps : respect des règles, respect de la consigne, observation des attitudes, soutien des plus timides, un œil sur le chrono, un œil sur votre fiche d’observation si vous en avez une, un œil sur les turbulents… le tout avec une cool-attitude à toute épreuve. La reine des abeilles en action. 5 minutes c’est long et c’est court. Impossible de s’arrêter dans un toboggan de cette taille. 5 minutes de glissade avec des virages de tous les côtés en ayant l’air d’avoir fait ça toute sa vie. Tout schuss, les amis, votre palpitant va tenir. Vous flippez avant de vous lancer ? Mais puisqu’on vous dit que c’est le must pédagogique ! Écoutez bien ceux qui y sont passés avant vous, ils vous diront où sont les mauvais virages et l’adrénaline qui vous inonde quand vous passez dans le tunnel tout noir ! Ceux-là vous diront qu’on se sent vivant et qu’on respire encore mieux après. D’autres vous diront qu’ils n’y retourneront jamais parce que franchement ça fait trop peur. Mais sont-ils venus dans le super funparc La classe était presque parfaite ? Non, ils ont vu d’autres Classlands très vieux, tout vétustes et bien moins équipés côté sécurité. (J’en fais un peu trop sur l’auto-promo peut-être?)😇
7ème conseil : C’est cool les glissades, mais ici, on ne hurle pas quand on flippe.
On se la joue « taiseux » comme des vieux loups de mer, la pipe en moins. Attention à votre propre volume sonore, ne perdez pas le contrôle de vous-même au risque de passer à vos propres yeux et à ceux de vos élèves pour un "superturbateur" : si vous devez intervenir, ne montez pas le son. Avec les enfants, on est rassurant (Je me répète, là, non ?) Vous vous baissez vers le groupe sur lequel vous voulez intervenir et vous CHU-CHO-TEZ, c’est IM-PÉ-RA-TIF. Vous vous apercevez que l’exercice est en train de planter : c’est pas grave ! La fin approche vous allez avoir l’occasion de faire les ajustements d’ici 1 ou 2 minutes. COOL-ATTITUDE. Ne soyez jamais dupes, ce qui fait le plus de bruit dans une classe, c’est souvent l’enseignant.e.
Donc, on ne fait aucun bilan en plein milieu de l’exercice, aucune prise de parole générale, aucun cri même en cas de danger imminent (bon, s’il y en a un qui veut passer par la fenêtre, je vous y autorise, mais c’est vraiment le seul cas… je plaisante… y’en a plein d’autres, des cas ... 😱😁). Sérieusement, s’il y a une mise en danger, vous faites un pas ou deux (pas plus) en direction du contrevenant et vous lui montrez la direction du banc des pénalités, avec une attitude péremptoire. Une fois qu’il est assis, vous l’ignorez ostensiblement (tout en gardant un œil – parmi vos 3500 – sur lui évidemment ! ). "Bifise" en aparté à la récré.
8ème conseil : La fin du chrono
Tout s’est bien passé ? Yesssss ! On passe direct au 9ème conseil.
Des choses ont débordé, pas fonctionné, dérapé : c’est maintenant que vous faites le bilan intermédiaire. Dans ce cas on commence toujours par ce qui a roulé sur les groupes (il y en a toujours : l’attitude de tel groupe, la mise au travail rapide d’un autre, la relecture du texte par le troisième, la prise en compte des paroles de chacun dans celui-ci, la réponse aux deux premières questions dans celui-là, l’acceptation d’une remise en question par un camarade – admettre son erreur grâce à un argument, dans le dernier… y’a toujours du bon à trouver).
Ensuite, il y a le MAIS avec le sourcil un peu froncé et la plus grande bienveillance possible même si on est sur les nerfs (et ça, c’est sans doute le plus difficile dans notre métier, contrecarrer ses propres émotions). C’est alors qu’on indique les erreurs de trajectoires en gardant un vocabulaire général – pas d’adresse directe à un groupe, au risque de le perdre pour la deuxième session, en créant un conflit interne au sein du groupe avec les élèves qui recherchent des responsables ce qui est absolument contre-productif, générateur de malaise, de bruit et de rancœurs. C’est l’occasion de redire la consigne et de faire ré-exprimer ce qui est attendu puisqu’ils savent déjà que vous allez donner du temps pour terminer correctement. En fonction de l’avancée du travail, vous redonner de 2 à 5 minutes en affirmant qu’ensuite vous ferez ensemble l’analyse des réponses. Soyons clairs, même s’ils n’ont pas fini après la 2ème cession, on s’arrêtera ; ce sera bien suffisant pour l’heure. Avant de relancer le chrono, refaites-vous un tour des différents points positifs pour les chauffer. On repart du 6ème conseil et on se refait la descente, étape par étape, jusqu’au dernier virage-conseil.
9ème conseil : La synthèse
Quelque soit la forme que vous vouliez qu’elle prenne, cela doit être fait IM-PÉ-RA-TI-VE-MENT (Je découpe super-bien les syllabes, non ?) Vous ne pouvez pas laisser les enfants sans rien. Ils ont tous travaillé, à leur niveau, il en va de votre crédibilité et de la leur. Quelqu’ait été votre sentiment sur le moment passé, vous devez tirer une conclusion du fruit de leur travail. Au niveau méthodologique et au niveau notionnel. Le principe très mode mais aussi très pratique est la carte mentale qui se relie à votre question de recherche de départ. Bien sûr, au début, cela ressemble davantage à un nuage d’idées plus ou moins développées (d'ailleurs on peut créer des nuages avec un petit site très sympa ici ). Si vous reprenez l’exemple du passé composé, sur votre tableau central, vous pourriez avoir écrit ça. (Si le pop-up ne s'ouvre pas cliquez ici.)
Vous écrivez la synthèse de ce que vous disent les élèves. Oui, je sais, certains, plus intelligents que moi sûrement, vous diront d’écrire l’exacte idée des élèves… Bon ben on va pas passer notre temps dos aux élèves à écrire tous leurs mots à la lettre. C’est ultra long, ça manque de rythme et nos tableaux ne sont pas extensibles… (quoi que les TBI… oui mais non, on se la joue pas grand scientifique exhaustif, ça sert à rien pour le moment. Quand vous serez … bref, on se comprend.) Nous avons affaire à une génération de zappeurs alors on est comme les plantes vertes, on s’adapte et on absorbe deux fois plus de CO² sinon on crève. Oui, vous synthétisez (😁) et vous pré-classez sur un seul critère : tableau central, les idées exactes (même si elles ne le sont que partiellement), sur un des tableaux latéraux, les idées erronées. Ensuite, vous prenez une photo des deux tableaux avec votre meilleur ami, votre téléphone portable (ou alors vous avez un TBI, et là nickel, vous enregistrez. N’oubliez cependant pas, dans ce cas, de faire une case pour les idées erronées, elles sont très importantes). Vous vous en servirez pour préparer la séance prochaine (tiens, un diaporama de l’évolution de la leçon avec un petit QR-code par exemple : faut que je vous fasse ça dans la partie numérique.)
10ème conseil : Ostentation de félicitations
On a bien bossé ! Ils sont géniaux ! On a super bien avancé ! Ils ont trouvé plein de choses ! On va tout garder pour bien tout comprendre la prochaine fois… D’ailleurs vous avez pris une photo ! La star, c’est le savoir collaboratif ! Allez, derrière ça, faites-leur un peu de teasing en bonus, préparez le suspens pour le prochain épisode. Pas question de spoiler, quoique, une ou deux infos sur la leçon à venir pourraient les appâter. La prochaine fois on va organiser toutes ces idées pour que ce soit plus facile de tout retenir. Faites-leur prendre une photo mentale de ce tableau (Pour de vrai, des enfants vont fermer un œil et faire un clic avec leur doigt comme avec un vieil appareil argentique : c’est anachronique à mort, mais je vous jure qu’ils le font. C’est désopilant et mignon à souhait !). Affichez-leur une belle médaille au tableau ou faites une séance d’applaudissement général. On se croirait dans un film américain de l’après-midi ? J’en fais trop là ? Possible. Mais ils adorent. Une ambiance ça se fabrique de toute pièce, mais façon puzzle à différents moments de la journée, de la semaine, du mois…
Récapitulons et concluons
Un quart d’heure de mise en place pour préparer le travail de groupe (lecture préparatoire, énoncé des règles et de la consigne, répartition des groupes, distribution des documents…) Les 5 minutes du chrono qui vous en donne 6 en réalité avec la pause à 2 minutes environ. Le bilan intermédiaire : 5 minutes. Le temps en plus au cas où : 5 minutes. La synthèse générale : un bon quart d’heure. Les félicitations : 3 minutes. Ça nous donne une bonne petite séance de 50 minutes.
Et après ? Quoi, c’est pas fini ? Non, il faut faire redescendre la pression, même s’ils ont été supers calmes. C’est le moment de leur donner un travail individuel : absolument obligatoire. Par exemple une retranscription de quelques mots encore inscrits au tableau (ceux qu’ils veulent), une copie qui rappelle ce que l’on vient de voir, un dessin en rapport avec le sujet, un coloriage de mots toujours sur le même thème… bref, un truc simple qui ne provoque surtout pas de surcharge cognitive afin de se poser en douceur. C’est le retour au calme de notre courbe de Gauss.
La première partie de ce type de séance aura tendance à jouer les élastiques au début car vous allez peut-être peiner à mettre en place vos groupes dans le calme. Mais si vous êtes patient, l’élastique reprendra sa forme originelle assez naturellement. On ne panique pas. Je vous encourage vraiment à persévérer parce que c’est ce type de séance qui vous ouvrira la voie royale des projets qui déchirent leur race.