...je serai enseignant d'une classe verte et blanche,
d'une dynamique rare et plus forte que l’ébène pour les trop mauvais ...
Trêve de plaisanterie, c'est quoi être un homme instit' ?
D'abord c'est être une exception, surtout en mater'. Et oui, sur le bas de notre échelle, les femmes seraient "sur-représentées" (le bas de l'échelle, les troufions de base, les PE, les instit' quoi !)
Il paraîtrait que nous, les femmes, nous choisissions ce métier pour un équilibre entre notre vie privée et notre vie professionnelle : nous avons des enfants, nous. Et pas les hommes ?!
La décrédibilisation de notre métier proviendrait de cette féminisation accrue sur les dernières décennies (selon un certain professeur au Collège de France dont je n'ai aucune envie de citer le nom) .
Ça craint ! Et c’est rien de le dire.
Ce constat, si noir soit-il, étant fait, revenons au caractère exceptionnel de notre HOMME et servons-nous en pour être "crédibles".
Le chouchou de ces dames est bien loti dans son harem, pensez-vous ? Oui et non !
Le premier côté cool est qu’il se retrouve entouré, soit de jeunes gazelles qui n’ont pas encore d’enfant, qui ont une patate d’enfer et qui le dragouillent un brin, soit de mamans hyper-actives qui ont une patate d’enfer et qui le dragouillent un brin aussi. Tout le sérail a un regard bienveillant et enjôleur pour le Mâle du troupeau. Un bon point de départ et une estime de soi gonflée à bloc pour le chouchou de ces dames.
Le deuxième point est qu’il peut s’amuser comme un dingue avec des blagues bien grasses qui font glousser toute la salle des maîtres (qui s’appelle comme ça juste à cause de lui, soit dit en passant, le gars). L’humour graveleux, voilà bien ce qui nous manque quand ils ne sont pas là. Non, c’est très sérieux, je ne rigole pas là, détendre l’atmosphère dans une salle des maîtres, c’est souvent le truc idéal. Donc, si j’étais un homme, je serai graveleux. Pourquoi, n’aurions-nous pas le droit d’être graveleuses ? Et bien parce que c’est difficile, il faut avoir du caractère et de l’aplomb, et ça, quand on débute, c’est un peu compliqué. Lorsqu’on est juste entre utérus, on s’autocensure à mort, on se juge, on se jette des regards soupçonneux… bref les femmes sont misogynes ! (Pas que dans les écoles hein ! En général j’entends ! Une habitude de poulettes, j'imagine.) Donc on se détend et on prend un peu de hauteur côté humour ; on s’la joue 2ème, 3ème, 12ème degré s’il vous plaît. Et si tu es un homme, c’est ton devoir de mâle alfa mon cher !
Le suivant est plus essentiel encore : la vision que le reste de la société a de toi,
Homo-institus-diplomus.
Le reste de la société en l’occurrence ce sont les parents d’élèves. « Ah, enfin, un maître ! », « Ça va lui faire du bien au mien ! », « Oui, ça va bosser d’entrée ! ». Donc, dès le démarrage, l’homme a le crédit des parents et les deux autorités requises – intellectuelle et disciplinaire – sans avoir rien à prouver. De base, homo-institus-diplomus serait le must-have dans un parcours scolaire.
De ces trois points forts découlent tout le reste : les rendez-vous de parents où les mamans minaudent et qui ne viennent que rarement leur chercher des poux dans la tête, le droit plénipotentiaire de faire des projets de fous sans aucun bâton placé sur sa route, un adhésion directe des parents dont découle l’adhésion directe des enfants… un tapis rouge pour le mec de la situation.
S’il y a une leçon à tirer de cet état de fait, ce n’est certes pas de s’étendre sur l’injustice fondamentale de la société en matière d’égalité hommes-femmes, mais de tordre le cou à tous ces poncifs nocifs qui nous encombrent le cerveau : arrêtons immédiatement de culpabiliser mesdames, tout simplement parce que nous sommes des femmes. La pomme, il n’avait qu’à pas la manger, bon sang ! La leçon en question est de faire comme si nous étions eux parce qu'en fin de compte c'est pareil ! Des poux, on n'en a pas ! Des projets, par contre, on en a plein la tête. Donc pas d'auto-censure mesdames.
Si je devais parler de ma modeste personne, je dirais que bien que je sois toujours perchée sur des talons aiguilles et que le maquillage, quoique discret, ne laisse aucun doute sur ma féminité, les parents d’élèves m’affublent, sans tergiverser, d’une saine autorité et d’une bonne propension à faire « bosser » la marmaille. « Mme Dieudonné, je suis trop contente qu’il soit chez vous ! Vous allez le tenir, et vous allez le faire travailler ! J’suis trooop contente ! » A cette douce maman qui croit me flatter, je n’avouerai jamais que cette réputation faite en moins d’un an sur ma nouvelle école est le fruit d’un dur labeur prenant sa source dans mes 20 ans de maison et qui consiste à être sûre de son fait tout en étant absolument aimable avec les parents sans jamais baisser les bras côté qualité du travail : l’aplomb ça se travaille encore plus quand on est girly.
On ne vous voit pas comme un homme, et bien c’est cool, encore heureux, vous n’en êtes pas un ! On doit vous voir comme une instit’ qui connait son boulot. Dans le fond c’est la qualité première que l’on présuppose chez un homme : il sait ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Il a un but, un objectif, une montagne à gravir, alors il le fait. Et bien vous, idem ! Donc, si j’étais un homme, je serais moi, mais sans talons ni maquillage !
" Des études réalisées dans plusieurs pays montrent
qu'il n'y a pas de lien entre le sexe du personnel enseignant et la réussite scolaire.
Ce qui compte avant tout, c'est la qualité de la relation entre le professeur et l'élève ",
affirment les chercheuses canadiennes Michèle Asselin et Gisèle Bourret. ».
Ce foutu truc de mâle !
Passons aux points négatifs maintenant. Être à la hauteur ; ce foutu truc de mâle ! La pression est grande pour ces messieurs, vous n’en n’avez pas idée ! Heu, si en fait vous savez, vous êtes des femmes alors la pression, on gère ! Sauf que nous on a le droit de se cacher et/ou de pleurer. Vraiment, c’est difficile pour eux parce qu’ils sont toujours obligés de prouver qu’ils sont les plus forts, les plus intelligents, les plus rassurants, les plus drôles… c’est l’habitude du combat de coq j’imagine – puisque je nous ai qualifiées de "poulettes". En plus, les filles, nous sommes injustes avec eux : misogynes et injustes, bonjour le tableau ! ( Quelle bande de vilaines !😋) Certains hommes peuvent être misogynes, mais la plupart sont normaux et ne se posent pas toutes ces questions à part celle de la taille… de leur place au soleil bien sûr.
Tout ça pour dire quoi ?
On se détend et on se met au travail, c’est pas une cour d’école, c’est un vrai travail.
Les côtés négatifs découlent eux-mêmes de tout ce qui précède si on n’en est pas conscient. On parle de nos gosses et de shopping ? Ils s’en foutent ! Ah bon, vous êtes sûres ? Eux parlent de bagnoles (cf article) et de foot ? Bonjour les clichés ! Il y a quand même un paquet de sujets qui nous réunissent parmi ceux-là et bien d'autres. On n'est pas sous des cloches stéréotypées. Les discussions de salle des maîtres c’est pas toujours la grosse rigolade non plus, mais des bouts de vie qui font souffler notre esprit en surchauffe. Faire partie d'une équipe essentiellement féminine, c'est pas forcément facile, mais c'est surmontable. L'inverse est absolument vrai d'ailleurs.
Dans un deuxième temps, ils se coltinent souvent les « terribles » de l’école, on envoie les punis dans leur classe sous prétexte qu’ils font peur, on leur laisse les parents qui abusent, on s’attend à ce qu’ils gèrent mieux que nous les ennuis aux abords des écoles difficiles, un problème avec le dirlo et on les pousse en première ligne… bref on se cache derrière eux comme si c’était entièrement normal et ça, c’est pas juste, voire lâche. (J'entends déjà mes amours de collègues me hurler dans les oreilles mon injustice manifeste : ouais mais les filles, nous, on n'arrive pas à les garder nos hommes de passage ! J'arrange pas mon cas, là ! Ouh là, je vais passer un sale quart d'heure lundi !) La lâcheté est-elle plus excusable parce qu’elle vient d’une femme ? Ce serait bien pratique si ce n’était pas complètement paternaliste. On veut du respect alors il faut le mériter. Une femme est un homme comme les autres et
un homme est une femme comme les autres.
Oui mais, quand même, c’est pas parce que je dis que nous sommes tous égaux que nous le sommes vraiment. Certes, mais y croire c’est déjà avancer. Si cela peut aider, mettez-vous dans la tête, au moment où vous commencez, que vous devez agir comme s’il n’y avait ni sexisme, ni misogynie dans ce monde, sans être dupe non plus. Vous serez vus par la société comme sexués, c’est un fait, à vous de prouver que vous exercez un vrai métier, que vous avez de vraies compétences (le fait d’imaginer faire ce métier est, pour moi, déjà une sacrée compétence).
Maintenant, on arrête de rire !
La plus grosse différence qui existe entre nos deux sexes, quand il s’agit d’enfance, c’est très certainement la suspicion d’ordre sexuel. Et là, on quitte toute légèreté, on reprend son sérieux, on lâche ses idéaux d’égalité. Les bisous, les câlins, les changements de pipi, les vestiaires de piscine, les ébouriffades de tête pour rassurer, un enfant qui reste seul pour finir son travail à la récré… tout ça est INTERDIT pour l'enseignant-mâle. Même pour les instit' papas les plus aimants et câlins, c’est HORS de QUESTION ! C’est injuste. Je sais. C’est vexant. Je sais. Mais là, c’est votre carrière et votre vie privée qui sont en jeu. Je n’ai aucune astuce pour contrecarrer ça. Même une bonne réputation de dix ans bien installée peut voler en éclats pour une peccadille lancée sur "radio-trottoir". Alors PRUDENCE ! Un petit truc quand même, au cas où : une porte de classe grande ouverte montre que vous n’avez rien à cacher. (Faut pas croire, y'a pas que des instit' qui passent dans les couloirs d'une école.) C’est pas ultime, mais c’est mieux qu’une porte fermée en cas de doute.
Puisqu’il n’y a pas de tabou ici, j’ajouterai, pour les maître.sse.s homosexuel.le.s, qu’il est, dans le Primaire encore plus qu’ailleurs, judicieux de se méfier. Le raccourci entre l’homosexualité et la pédophilie est malheureusement trop courant et l’école n’est un lieu ni de revendication ni de lutte pour les droits de tous. Vous en êtes conscients, j'en suis convaincue, mais ça va mieux en le disant.
La plus grande scène de théâtre du monde
Nous avons tous une étiquette qui nous colle à la peau. Elle nous joue des farces à longueur de temps la bougresse. Bienvenus dans le monde de l’enseignement, la plus grande scène de théâtre du monde où tous les acteurs jouent avec leurs tripes l’un des plus beau rôle de leur vie tout en portant des masques de commedia dell’arte ou de tragédie grecque. L’astuce est de bien la connaître, de la maîtriser, cette fameuse image (la réelle et la caricature qu’on pourrait en faire) pour jouer avec afin de réussir à surfer sur tous les problèmes, se sortir de toutes les ornières, décoller, s’envoler et, en somme, faire son métier en étant à la hauteur.