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Pour que vos élèves soient des anges (cf article), il vous faut les rassurer.

Ceci étant posé, il me faut vous dire comment faire tout de suite.

La première erreur que j’observe, chez les débutants, dès le premier jour de classe, dès la première minute même, c’est la formation et l’avancée du rang de la cour à la classe.

Et oui, dès cette première seconde, beaucoup de débutants font déjà une erreur !

Je vois les nouveaux enseignants se ruer vers leur classe...

Tels des poules ...

...tels des poules suivies de leurs poussins.

     Oh ! Le premier jour ça semble fonctionner ! Les élèves suivent, ils sont relativement silencieux, aucune bousculade : et oui, c’est le premier jour ! D’ailleurs les « ancien.ne.s » font comme ça, non ? Et bien non, regardez de bien plus près👀 .

     Les maître.sse.s de Cycles I et II organisent physiquement leur rang dans un premier temps : les enfants se rangent en général par deux en se tenant la main. L’enseigant.e passe à côté de chaque duo en s’assurant que tout le monde sait ce qu’on attend. Si certains ne le savent pas, on les place gentiment en mettant la main de chacun l’une dans l’autre. Le cartable est sur le dos ou, au pire, s’il est à roulettes, dans l’autre main.

     Les maître.sse.s de Cycle III se plantent devant le rang et attendent en général 2 colonnes tournées vers l’avant. Les élèves ne se donnent pas la main, mais ils doivent être deux par deux pour former 2 lignes égales.

Mais pourquoi diable serait-ce si important de fabriquer son petit wagon ?

     En dehors du fait que c’est bien plus pratique de déplacer 100 à 450 enfants en moins de 5 minutes dans les couloirs souvent trop petits d’une école, il est important que les élèves se sentent en sécurité dès cet instant. Cela vous paraît un peu martial et militaire ? Non, cela montre que chacun est à sa place, que les choses sont simples et faciles, que la maîtresse veille à ce que cela demeure, que l’on peut la suivre partout sans crainte, qu'elle est là pour protéger de tous les chaos possibles.

     Oui, c’est vrai, c’est très pratique mais ça nous colle une image à la noix, quand même !

Un relent de pouvoir despotique, peut-être ?

     Et bien c’est parfaitement injuste ! Rejetez immédiatement ce pseudo-crash-brain-post-68ards sous le sable et les pavés de la Sorbonne. Si les automobilistes ne patientaient pas les uns derrière les autres au feu rouge, ce serait le b… Si les gens attendant aux caisses du supermarché ne le faisaient pas dans le calme, ce serait le b… Bref, vous avez compris. Les élèves sont des enfants et donc ils doivent apprendre qu’à l’école c’est comme dans la vie de tous les jours : quand nous sommes nombreux nous ne partons pas dans le sens où notre nez nous porte, sinon ce serait le… bazar ! Vivre en communauté suppose nécessairement quelques contraintes.

Qu’est-ce qui gêne le plus dans l’idée du RANG ?

     C’est sa connotation militaire ! Et bien changeons-là ! Il faut que les choses soient claires, je ne dis pas qu’il est impérativement nécessaire de former un rang impeccable et de savoir le faire avancer correctement pour faire de vous l’enseignant.e du siècle, mais au début, c’est très aidant, symboliquement.

     Imaginons que vous vouliez devenir un grand marcheur en montagne, vous choisirez probablement d’abord des sentiers balisés pour ainsi apprendre à gérer votre souffle, votre fatigue musculaire, votre endurance psychologique, votre déshydratation, votre gestion des apports caloriques, des ampoules, du soleil, de l’itinéraire….. et de la descente (Oh, dame, la descente !) Hors de question, lorsqu’on débute, de se jeter dans une ascension d’un dénivelé de 1.500 m en allant droit devant soi. Et bien, pour faire avancer vos élèves, n’allez pas droit devant vous sans vous arrêtez, ni avec un minimum de préparation, sinon gare à la descente ! Vous risqueriez même de vous dégoûter de l'activité, voire de vous mettre en danger !

     Cette première montée est celle où vous allez prouver

qu'ils pourront avoir toute confiance en vous,

que vous êtes maître.sse ... de la situation et donc de TOUTES les situations.

Mal géré, ce moment pourrait vous desservir.

 

Ce ne sont ni des poussins, ni des chiens, ni une meute de loups,

mais bel et bien un groupe d’enfants qui apprend à vivre ensemble sous votre protection et votre bienveillance.

     Alors, comme les « vieilles » dans la cour : on attend (ou on forme soi-même) un rang impeccable. Un petit sourire, un regard concentré, un silence absolu – de votre part surtout j’entends.

SIRCoS

= Sourire.Immobilité.Regard Concentré. Silence

     Tout est paré ? Alors on commence la rando : étape par étape. Vous indiquez où ils doivent aller et où ils doivent s’arrêter. La distance de l’objectif n’est pas de plus de 10 m. C’est précis n’est-ce pas ? Bon, on n’est pas à 3 m près, mais gardez bien cette fourchette en tête car au-delà, le rang se disloque et c'est le...bazar. 

     Donc après avoir énoncé l’objectif, vous vous écartez légèrement pour laisser passer le rang avec tout le SIRCoS possible.

     Puis, vous remontez votre rang jusqu’à en reprendre la tête + SIRCoS.

     Objectif n°2 et on recommence dans le même ordre : ils passent, vous attendez, SIRCoS., vous remontez le rang.

     Et là, c’est le drame….😨 Un escalier !😱  Le principe est le même, mais avec un arrêt sur chaque palier :

JAMAIS, JAMAIS d’enfants en dehors de votre regard.

     Il faut qu’ils en aient conscience dès maintenant : pour être en sécurité, il faudra que vous puissiez les voir. (Plus tard, beaucoup plus tard, on lâchera du lest, mais pas maintenant et pas pour les 3 mois à venir : apprendre à devenir un marcheur en montagne ça demande du temps.)

     En général, dans l’escalier, les enfants se placent naturellement de chaque côté pour se tenir à la rampe ; donc vous faites votre remontée, majestueusement (ou non) au milieu de votre haie d’honneur personnelle – là un petit trait d’humour et/ou un « Merci les enfants » vous détendra car attention, on n’a pas fini...

     Dernière ligne droite avant la classe et zhou on repart comme dans la cour. Un virage ? C’est l’objectif. Une porte ? On laisse deux enfants adossés à celle-ci (ils remonteront le rang avec vous derrière). JAMAIS d’enfants en dehors de votre regard.

L’arrivée devant la classe : ATTENTION DANGER !

     Ne les faites pas entrer tout de suite. Ils posent leur vêtement sur le porte-manteau généralement placé à l’extérieur (si c’est à l’intérieur : on saute l’étape pour le moment) et ils se remettent en rang en silence face à vous qui êtes devant la porte de la classe et en bloquez l’entrée. Le silence doit être parfait (comme si vous alliez leur raconter la plus belle histoire du monde) et tous les grands yeux rivés sur vous.

     Là, le premier jour, vous allez donner plusieurs consignes directement dans le couloir. (Où poser les cartables, où se placer, quelle attitude avoir, que faire des feuilles déjà disposées sur les tables...)

IMPERATIF : n’oubliez surtout pas de leur dire de ne rien sortir de leur cartable tout de suite (surtout aux CP).

     Vous pouvez énumérer sur vos doigts les consignes et les répéter – le mime et la théâtralisation sont les meilleurs alliés de l’enseignant.e.

Ignorez jusqu’au Président de la République.

     Oui, vous êtes dans le couloir. Oui, les autres maître.sse.s y sont peut-être encore avec leurs élèves. Oui, vous êtes stréssé.e. Et bien on s’en cogne ! Vous faites vos gammes ! Personne, jamais, ne viendra vous le reprocher ! Alors que si votre rang est en vrac, là… c’est autre chose. Un adulte vient vous parler à ce moment-là ? Souriez et ignorez-le immédiatement après. (Il aurait rien d’autre à faire celui-là à ce moment précis ?)

     Revenez aux grands yeux qui vous observent, souriez et redites vos consignes sans broncher, même si c’est le dirlo, l’Inspectrice ou le Président de la République. Le plus important c’est vos élèves, on ne se laisse pas perturber. Quand vous aurez de la bouteille vous envisagerez les choses sous un autre angle, mais même moi, le premier jour, je suis imperturbablement rivée sur mes loulous ; c’est un jour trop important pour eux : ils stressent depuis au moins 2 jours, les familles ne parlent que de ça depuis 2 mois, les grands frères du collège les narguent depuis le petit-dèj, leur cartable est le plus beau de leur vie, ils brûlent de montrer leur nouvel agenda, ils ne vous connaissent pas… alors on y met un peu de cérémonial que diable ! C’est le début d’une belle histoire alors on ne néglige pas l'intro, de grâce !

On entre !

     Tout est bien entendu, compris, on entre en silence et vous en dernier : JAMAIS d’enfant en dehors de votre regard, donc un œil dans la classe et un œil dans le couloir, les oreilles à l’affût et le sourire toujours au beau fixe.

     Tout le monde est entré ? (Oh, laissez donc votre porte ouverte c’est tellement sympa les bruits d’une école pleine d’enfants... Ok, là c’est vous qui voyez, c’est pas déterminant le moins du monde.) Les voilà enfin tous en face de vous ! C’est l’heure de votre vraie rencontre !

     Soit, ils sont déjà assis (à leur place ou en regroupement) avec leurs grandes mirettes écarquillées – pour les CI, CII – ou un peu en coin pour les grands de CM ; soit ils sont debout. (J’avoue que je trouvais ce rituel tout à fait désuet, voire un peu militaire, en début de carrière, mais en fait les Cycle III aiment bien, ça fait un peu officiel, cérémonial ; ils trouvent que ça fait grand. Le « Vous pouvez vous asseoir. » suivi des bruits de chaises en mode orchestre philharmonique en pleine recherche de l'accord parfait est des plus réjouissant, en plus.)

     Ouf ! Ça c’est fait ! Y’a plus qu’à commencer les paperasses et les grands discours. Ça vous a pris plus de temps que ça ne vous en prendra aux retours des récréations, mais il ne faut surtout pas compter le temps sur cette première entrée en classe. Vous êtes les derniers à rentrer ? On s’en cogne ! Ce n’est pas une course de vitesse, c’est une course de fond qui commence et qui durera 36 semaines.

Maintenant, je vous parle de la sortie ?

     Et bien c’est la même chose mais dans l’autre sens : Ha ! Ha ! Oui enfin, c’est pas si drôle qu’il y paraît. On sort, le premier jour, d’une heure trente de blabla-paperasse-chut-remémoration des 30 prénoms-distribution de cahiers-découverte des fournitures-tentative de travail… Bref vous avez l’impression d’avoir fait une soutenance de mémoire professionnel. Et maintenant INTERDICTION de relâcher votre attention sous prétexte que vous avez besoin d’un café. INTERDICTION de dire « Vous pouvez sortir », sous peine d’avoir un beau gros embouteillage à la porte avec les bousculades qui vont de paire et un bavardage de tous les diables dans la classe et dans le couloir.

     Donc, on reste concentré et on s’organise. Reprise du SIRCoS ! Vous êtes planté.e à la porte de la classe avec votre fameux sourire et vous attendez un silence impeccable et des enfants assis. Certains croient que vous attendez qu’ils sortent ? Un petit signe de tête les font se rasseoir. Là, vous avez deux options : (A) faire sortir par groupes ou (B) demander à tous de venir se ranger devant vous, dans la classe. INTERDICTION de dire « Vous pouvez sortir », sous peine... (Heu ! Je me répète là ! Déformation professionnelle !) N'empêche... INTERDICTION !

Deux options

     Avantage de l’option A : chaque groupe se lève presque comme un seul homme et se dirige calmement dans le couloir (pas d’embouteillage, ni de bousculade). N’oubliez pas de leur indiquer où ils doivent commencer le rang (poteau, porte-manteau, haut de l’escalier...) On se souvient : JAMAIS d’enfant en dehors de votre regard, donc vous êtes dans l’encadrement de la porte. Le deuxième groupe ne sort que lorsque tout le premier est sorti, rangé et silencieux.

    Avantage de l’option B : Vous obtenez le silence d’abord dans la classe et vous pouvez surveiller correctement et entièrement votre rang devant vous puis, une fois sorti, dans le couloir.

     RAPPEL : si vous êtes de service, ne faites surtout pas comme moi, n’oubliez pas votre manteau ou vos clés (un vrai poisson rouge, c’est à pleurer !) sinon demandez à un élève d’aller vous les chercher, vous garderez ainsi votre rang sous les yeux.

     Cette fois-ci on recommence comme les fameuses étapes de l’entrée mais dans l’autre sens.

 

Enfin la récré !

     En somme, vous aurez l’impression de perdre du temps sur des choses parfaitement futiles, mais n’en croyez rien, tout, tout, tout est important surtout au début. Je vous conseille vivement de ne pas relâcher ce rituel pendant le premier trimestre. La concentration sera moins là, c’est sûr, mais restez vigilent.e le plus possible car plus ils verront que vous êtes persévérant.e moins ils feront attention à vous et fonctionneront en autorun avec seulement de temps en temps des petits rappels. On se le fait 8 fois par jour quand même, le truc ; si on compte 5 minutes à chaque fois ça nous donne 40 minutes de rang dans une journée... une séance d'apprentissage en fait !

     Dans certaines écoles, le silence est de mise dans les couloirs pour tout le monde, mais dans d’autres c’est plus… disons… bruyant. Optez alors pour un retour en classe anticipé ou retardé afin de pourvoir faire calmement vos gammes sans vous faire embarquer par le flot. En effet, les ancien.ne.s n’ont aucun problème à récupérer un bazar de couloir en 2 secondes sans pour autant crier. Vous apprendrez aussi, mais laissez-vous du temps. Ce sont des routards, vous êtes apprenti.e.

Un relent de pouvoir despotique ?
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